Commentaire du gestionnaire – T1 2017 – Premier partie – Felix Narhi – mai 2017

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 « La notion d’équilibre général n’a aucune pertinence dans le monde réel (en d’autres termes, la théorie économique classique est un exercice futile.) » — George Soros

Le huard — avec, ou sans couverture ?

Nous recevons ces jours-ci de plus en plus de questions à l’égard des devises et des stratégies de couverture. Nous ne sommes ni des spécialistes de la gestion des devises ni des prévisionnistes, mais nous sommes des observateurs attentifs des enseignements de l’histoire, nous respectons les cycles de longue durée et nous sommes désireux de comprendre comment fonctionne vraiment le monde de manière à nous positionner judicieusement. En étudiant la récente trajectoire du dollar canadien, nous nous rappelons les théories de George Soros selon lesquelles les marchés financiers ne tendent pas vers l’équilibre, comme le laisserait entendre la théorie classique. Au contraire, les marchés se nourrissent de leurs propres idées fausses à l’égard de certains événements et accentuent ainsi la dynamique de leurs mouvements. Cette boucle de rétroaction bilatérale entre la perception et la réalité est ce que Soros appelle sa théorie de la réflexivité. Il prétend que les envolées spéculatives sur les devises peuvent persister longtemps et que les mouvements relatifs d’une devise par rapport à une autre sont souvent des mouvements séculaires à long terme qui se mesurent sur de nombreuses années, plutôt que sur quelques jours ou quelques semaines. C’est certainement ce qui s’est produit avec le huard.

Selon le critère de parité du pouvoir d’achat (PPA), à savoir la valeur d’équilibre central du dollar canadien par rapport au dollar américain, le huard est demeuré remarquablement stable depuis 1990. Selon les estimations de l’OCDE, la valeur moyenne du huard a été de 1,22 $ CA par dollar américain depuis 1990, avec un écart type n’atteignant que 0,02 $. À la fin 2016, le PPA du dollar canadien par rapport au dollar américain était estimé à 1,243 $. Le taux de change réel a oscillé autour de cette valeur centrale au cours d’importants cycles séculaires pluriannuels et il dépasse souvent sa « juste valeur » théorique, telle que mesurée par la PPA. Dans le cadre de cycles historiques, le dollar canadien en est peut-être à la cinquième manche de neuf après avoir dépassé sa « juste valeur » telle que mesurée par la PPA il y a quelques années à peine. Du point de vue historique, les niveaux actuels ne sont pas encore extrêmes, mais nous sommes d’avis que les choses pourraient se compliquer à court ou à moyen terme.

Plus riche que vous ne le pensez ?

Une campagne de marketing de la Banque Scotia vous assure depuis longtemps que : vous êtes plus riche que vous le pensez. Mais est-ce vrai ? L’actif le plus important de la famille typique canadienne est sa résidence principale. La bonne nouvelle est que le prix moyen d’une maison a doublé au Canada depuis 2005[1]. Riche en effet ! Pourtant, malgré cette apparente manne financière, les choses ne vont pas si bien pour de nombreux propriétaires canadiens. Selon un récent sondage mené par la Banque Manuvie, près des trois quarts des propriétaires canadiens trouveraient difficile de payer leur hypothèque chaque mois si leurs paiements augmentaient seulement de 10 %. Même une augmentation modeste des taux d’intérêt ou une baisse du prix des maisons aurait un effet réellement néfaste sur de nombreux Canadiens.

Quel est le risque d’un ralentissement du secteur de l’habitation au Canada ? Du point de vue historique, le secteur canadien de l’habitation s’est avéré être cyclique et il serait étonnant que cela change. Mais les risques potentiels sont différents selon le point où nous en sommes dans le cycle du secteur canadien de l’habitation. Comme le dit le vieil adage du secteur des placements : ce que le sage fait dès le début, le sot s’y résout à la fin. Il est logique d’être plus agressif tout au début du cycle, d’être neutre dans les manches du milieu de celui-ci et d’être de plus en plus prudent à mesure qu’on s’approche de sa fin. Malgré l’essor du secteur canadien de l’habitation depuis plusieurs années déjà, le fait que tant de propriétaires canadiens semblent vivre d’un chèque de paye à l’autre avec une très petite marge de sécurité représente une menace inquiétante lorsque le secteur se refroidira. Est-ce que les consommateurs réduiraient leurs dépenses s’ils avaient l’impression d’être moins riches qu’ils ne le pensaient après que le prix des logements ait baissé pendant un certain temps ? Par ailleurs, si les consommateurs deviennent plus prudents, est-e que le secteur canadien des ressources viendrait au secours de l’économie ? Le « super cycle des matières premières » qui ne se produit qu’une fois en une génération et qui a alimenté la croissance des emplois à salaires élevés et la hausse du huard au cours du dernier cycle s’est terminé abruptement avec la grande récession de 2008. Compte tenu de la substitution technologique et de la découverte récente d’importantes réserves énergétiques, des scénarios où règnerait une telle manie ne se représenteront pas de sitôt. Bien entendu, nous devons également examiner les perspectives pour l’économie américaine et les taux d’intérêt. L’approche non conventionnelle adoptée par le Président Trump vient accroître le niveau de risque. Face à tous ces obstacles, les risques pesant sur l’économie canadienne et sur la valeur relative du huard sont-ils orientés à la hausse ou à la baisse ? Étant donné que les tendances séculaires ont tendance à aller aux extrêmes, en partie en raison des boucles de rétroaction bilatérale, il est essentiel d’être à l’affût des points d’inflexion et d’être prêt à revenir sur sa position.

Leçons tirées

L’une des leçons à tirer de la chute du marché du logement américain est qu’il existe une connexion bilatérale entre le crédit et les garanties, où faire un prêt peut influer sur la valeur de la garantie. L’acheteur marginal qui a souvent besoin d’accéder au crédit facile a tendance à fixer le prix d’équilibre (prix de compensation). Les problèmes du secteur américain du logement ont commencé avec le marché américain des prêts hypothécaires à risque, et ils ont fini par se propager au reste du secteur. Les premiers signes annonçant que la même chose pourrait se produire au Canada sont apparus au cours des derniers mois avec la chute surprenante de Home Capital Group. Peu de temps après, Moody’s a baissé la cote de crédit des six grandes banques canadiennes en raison de préoccupations croissantes à l’égard de pertes potentielles attribuables à des prêts, et ce, suite au ralentissement du secteur immobilier et du niveau élevé d’endettement des ménages. En toute honnêteté, l’abaissement de la cote des banques canadiennes par Moody’s, pris isolément, n’est pas très inquiétant et il est relativement inoffensif. Néanmoins, les risques augmentent depuis plusieurs années. Il s’agit certes là de mauvaises nouvelles pour le huard et cela ne fait rien pour arrêter l’élan séculaire de la trajectoire qu’il suit depuis de nombreuses années déjà. Cela dit, ces développements pourraient favoriser des effets secondaires et tertiaires imprévus — comme nous l’avons vu aux États-Unis, les investisseurs devraient se méfier de la puissance des boucles de rétroaction bilatérale.

En outre, en raison de l’effet de levier, les systèmes financiers déséquilibrés peuvent ressembler à des pentes enneigées instables, qui peuvent connaître des avalanches. On ne sait jamais quel catalyseur est susceptible de déclencher une avalanche, mais il serait probablement plus prudent de les éviter. Parfois, un déclencheur apparemment sans importance déclenche une cascade qui fait tomber l’ensemble de l’accumulation de neige. Et une fois les « déclencheurs » initiaux activés, il est difficile d’arrêter la chute. Nous croyons que les risques pesant sur le huard continuent d’être orientés à la baisse sur le court terme, et ce, en raison des taux d’intérêt canadiens par rapport aux taux d’intérêt américains, de la tension exercée sur le prix des logements à Vancouver et à Toronto, des niveaux élevés d’endettement des consommateurs et des risques que cela pourrait poser aux prix des produits de base. Ces facteurs pourraient renforcer l’élan baissier du huard qui poursuit son parcours pluriannuel vers des niveaux possiblement extrêmes (parcours qu’il a déjà suivi par le passé).

Comme l’a écrit mon collègue Geoff Castle, gestionnaire de portefeuille chez Pender, dans son commentaire du mois d’avril 2017, « Lorsqu’un secteur montre des signes de difficultés, il n’est pas judicieux, selon nous, d’être les premiers à venir profiter des “aubaines” ». Même si la dislocation du secteur canadien des logements et des hypothèques n’est qu’à moitié aussi sévère que nous croyons qu’elle pourrait l’être, nous disposerons de tout le temps nécessaire pour dénicher du crédit en difficulté bien couvert et intéressant. Il est à noter que nous ne sommes pas directement exposés à ces problèmes de manière significative et que tous nos Fonds disposent de hauts niveaux de trésorerie et de liquidités. Nous croyons que cela offre une protection en cas de baisse et cela nous permet également d’agir lorsque des occasions se présentent.

Bien que notre huard soit légèrement sous-évalué par rapport au billet vert sur le long terme, la tendance voulant que les taux de change réels dépassent leurs paramètres fondamentaux à long terme est toute aussi courante pour les devises que pour les actions. Nous sommes conscients de ces tendances lorsque nous considérons la couverture du risque de change. Si le huard continue de s’affaiblir de manière significative par rapport aux niveaux actuels, nous prêterons une plus grande attention aux stratégies de couverture potentielles, mais à notre avis, du point de vue historique, l’escompte par rapport à la juste valeur n’a toujours pas atteint des niveaux extrêmes.

Felix Narhi, CFA
Le 7 juin 2017

1 Indice du prix des maisons Teranet.

Fonds Sélect Pender

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