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Comment s’y retrouver sur le marché des créances en difficulté

Juillet 24, 2020
Rédigé par Amar Pandya
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La pandémie de la COVID-19 et la fermeture quasi complète des marchés mondiaux qu’elle a occasionnée ont engendré une crise importante sur les marchés de crédit. Fin mars, le montant de la dette en difficulté américaine avait quadruplé et presque atteint un trillion de dollars, ce qui représente son niveau le plus élevé depuis la crise financière de 2008. Les gouvernements ont réagi rapidement en prenant des mesures de relance budgétaire et monétaire sans précédent pour amortir l’impact de l’arrêt de l’activité économique et soutenir les consommateurs et les entreprises en difficulté. Ces mesures de relance, notamment celles de la Réserve fédérale américaine et ses efforts inlassables pour soutenir les marchés du crédit, ont permis d’atténuer la profondeur de la détresse des marchés du crédit. Cependant, en dépit de ces efforts, une grande partie des marchés demeure en difficulté et nous croyons que le chemin de la reprise sera beaucoup plus long que prévu et que ces marchés risquent d’être perturbés de manière permanente en ce qui concerne la croissance à long terme. Certains des secteurs les plus durement touchés, y compris celui de l’énergie, de la vente au détail et du transport, ont profité d’une reprise bien nécessaire depuis le creux de la crise fin mars début avril, mais ils continuent à composer avec des perspectives de croissance amoindries, des coûts fixes élevés et de lourds niveaux d’endettement. Nous croyons que la grande majorité des indicateurs que nous suivons continue de signaler que les cours sur les marchés du crédit en difficulté présentent un point d’entrée intéressant. Avec les marchés en actions qui ont connu une forte reprise pendant la crise et le crédit de bonne qualité qui offre des rendements bien maigres dans un contexte de taux qui sont près de zéro, le moment pourrait être bien choisi pour investir dans le crédit en difficulté. 

La complexité du placement dans les créances en difficulté
Contrairement aux marchés en actions et même aux marchés en obligations d’entreprises, il faut disposer de ressources bien précises pour identifier, analyser et agir en ce qui concerne les occasions du domaine du crédit en difficulté. Lorsqu’une entreprise traverse un processus de faillite, le flux d’information a tendance à diminuer et il devient très difficile de parler avec l’équipe de direction. Il peut s’avérer indispensable d’avoir un abonnement à un service de nouvelles qui s’intéresse exclusivement aux procédures judiciaires impliquant des faillites en Amérique du Nord. De plus, le fait de disposer d’un groupe d’analystes du crédit qui couvre différents secteurs du marché du crédit, y compris des spécialistes du crédit en difficulté, pourrait également aider dans l’analyse d’une occasion de placement. Même après l’identification d’une belle occasion de placement dans des titres de crédit en difficulté, il peut être difficile d’acheter le titre doté des caractéristiques que vous recherchez (rang, échéance, etc.), car l’émission pourrait être très petite et largement détenue. Il devient alors essentiel de pouvoir compter sur un vaste réseau de courtiers en valeurs mobilières qui peut fournir un flux d’informations, d’idées, d’inventaire et de services d’exécution de transactions lorsque les écarts sont intéressants. Pour réussir en investissant dans le crédit en difficulté, il est très important d’avoir un « back-office » expérimenté et des ressources suffisantes. Le négoce de valeurs mobilières pendant une réorganisation, le règlement d’une transaction impliquant un prêt à terme, et l’exécution d’accords juridiques dans le cadre d’une restructuration figurent parmi la liste des processus essentiels lorsqu’il s’agit d’investir dans le crédit en difficulté. Pour terminer, il est également primordial d’avoir un conseiller juridique lorsque vous investissez dans le crédit en difficulté. En effet, lorsqu’il s’agit d’un processus de faillite, il est généralement nécessaire d’avoir une représentation juridique dans chaque juridiction où un titre de crédit est détenu. 

Identifier les occasions favorables dans les structures de capital
Le secteur du voyage figure parmi les secteurs les plus durement touchés par l’effondrement du trafic aérien mondial de passagers. Air Canada ne fait pas exception avec des recettes en baisse de 90 % au T2 et des attentes voulant que le chiffre d’affaires au T3 soit en baisse de plus de 70 % par rapport à l’an dernier. En examinant la structure du capital de l’entreprise, nous avons identifié une occasion intéressante du côté des EETC (Enhanced Equipment Trust Certificates), à savoir des fiducies adossées à des créances qui sont directement garanties par des avions de la flotte de l’entreprise. En cas de liquidation ou de défaillance, ces titres se retrouveraient tout en haut de la structure du capital. Les fiducies adossées à des créances A et B d’Air Canada ont toujours une cote de crédit de la catégorie « investissement », même si la cote de crédit de l’entreprise elle-même se détériore. En effet, la cote de crédit d’Air Canada est de BB-. La fiducie B se négociait à près de 90 $ au mois de juin, ce qui se traduit par un rendement d’environ 13 %, à savoir une prime par rapport aux cours auxquels se négociaient certaines émissions de dette subordonnée à l’époque.

Même en supposant différents scénarios, le ratio risque-récompense de ces fiducies adossées à des créances semble intéressant. Il y a eu beaucoup d’enthousiasme du côté des actions et des titres de second rang émis par les compagnies aériennes et les cours en tiennent déjà compte. Cela signifie que ces titres représentent un risque considérable si le trafic aérien ne s’améliore pas comme prévu ou s’il se détériore davantage en raison de circonstances comme une deuxième vague de la COVID-19. Même si certaines compagnies aériennes du monde ont fait l’objet d’un renflouement, rien ne nous dit comment les choses se passeront pour Air Canada. En juin, le gouvernement du Québec a annoncé le renflouement d’une autre entreprise québécoise durement touchée, Cirque du Soleil, mais sous forme d’un prêt pour recapitaliser l’entreprise, ce qui signifie l’élimination de ses capitaux propres. Lorsque règne un certain degré d’incertitude, une bonne stratégie pour naviguer sur les marchés de la dette en difficulté est de se positionner dans la structure du capital de sorte à profiter du meilleur résultat possible tout en obtenant un rendement intéressant.

Profiter de la dislocation du marché
Le secteur de l’énergie figure parmi les secteurs les plus durement touchés pendant la crise de la COVID-19. En effet, les prix du pétrole ont atteint des creux historiques et la demande mondiale s’est effondrée sans que soit mise en œuvre une réduction suffisante de l’offre ou de la capacité de stockage pour accepter les surplus de stocks. Tandis que le marché semble retrouver l’équilibre grâce à la réduction de la production, à la diminution des dépenses en capital et aux efforts déployés par l’OPEP pour réduire l’approvisionnement, le secteur demeure surapprovisionné à cause d’effets secondaires et tertiaires gênants et les prix du pétrole ne sont toujours pas suffisamment élevés pour soutenir les coûts « tout-inclus » de la majorité des producteurs nord-américains. Le secteur de l’énergie figure parmi les secteurs les plus endettés et il représente une partie importante de la dette à rendement total élevé et des nouvelles émissions de dette de ces dernières années. Il s’agit d’un secteur très en difficulté, mais il offre également une multitude de possibilités.

Nous détenions une petite position en actions d’Athabasca Oil Corporation, producteur de pétrole canadien à petite capitalisation, dans le portefeuille du Fonds d’opportunités à petites capitalisations Pender et du Fonds de valeur Pender. Même si l’entreprise avait des coûts élevés et que ses actifs étaient concentrés, notre thèse de placement était basée sur la richesse de l’entreprise en catalyseurs, dont plusieurs se retrouvaient dans la structure du capital de l’entreprise, sa base d’actifs et sa propriété, qui pourraient tous dégager de la valeur. Lors de l’effondrement des prix du pétrole, notre thèse a été contrecarrée et nous avons décidé de liquider notre position. Mais en examinant de plus près la structure de capital de l’entreprise, nous avons découvert une belle occasion dans les obligations de 2022 de l’entreprise vers lesquelles nous avons transféré nos fonds. Ces obligations se retrouvent toutes au haut de la structure de capital et elles représentent la seule émission en circulation de l’entreprise. En outre, nous avons remarqué une certaine dislocation de son cours pendant la débandade des prix du pétrole fin mars début avril. Au moment où notre pondération était la plus élevée, ces obligations se négociaient à un cours à deux chiffres fortement réduit (exprimé en dollars), et la valeur marchande de la dette était bien inférieure à la valeur au comptant de l’entreprise. À notre avis, cela était intenable puisque la société disposait de liquidités suffisantes pour survivre quelque temps à cet environnement des prix, et que la valeur des actifs de l’entreprise était nettement plus élevée que ce que reflétait le marché. Bien qu’il s’agisse toujours de créances en difficulté, les obligations ont bien progressé depuis, devançant de loin la modeste reprise du côté des capitaux propres. En période de grande détresse, il est possible de découvrir de belles occasions dotées de belles possibilités de plus-value et de faibles possibilités de baisses, mais pour tirer parti de ces occasions, il est essentiel de bien comprendre l’entreprise et de pouvoir agir rapidement.

La complexité et l’inefficacité fournissent des occasions
La nature idiosyncrasique du placement dans les créances en difficulté, où il s’agit de bien connaître non seulement l’émetteur, mais également l’émission particulière et son rang dans la structure de capital de l’entreprise, rend difficile ce genre de placement. Mais ces défis se traduisent également par un marché moins efficace, notamment en ce qui concerne les petits émetteurs, et cela augmente le potentiel de profiter d’un avantage analytique et d’obtenir de meilleurs rendements ajustés selon le risque. L’accent que nous plaçons sur l’analyse fondamentale ascendante, sur le fait de rester dans notre cercle de compétence et sur celui d’avoir des mandats flexibles et agiles, ainsi que le fait que nous possédions les ressources internes, de « back-office », ainsi que les ressources externes nous permettant d’identifier et d’analyser ainsi que d’agir quant à un placement, sont essentiels. Nous vivons un moment unique et difficile où règne l’incertitude et les entreprises devront se restructurer pour s’adapter, mais nous sommes convaincus que si le passé est garant de l’avenir, les perspectives sont bonnes pour les créances en difficulté.

Amar Pandya, CFA
24 juillet 2020

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