Danger droit devant? L’importance pour les conseillers de bien comprendre les programmes de rémunération incitative des cadres dirigeants

Janvier 15, 2024
Rédigé par Sharon Wang
Danger droit devant? L’importance pour les conseillers de bien comprendre les programmes de rémunération incitative des cadres dirigeants

Publié le 15 janvier 2024 dans le Globe & Mail (pour les abonnés seulement)

Rien ne vaut une bonne mesure incitative pour façonner un comportement. La personne qui ira en voyage à la plage sous peu sera plus encline à trouver le temps d’aller s’entraîner même si elle est occupée, ou à détourner son regard lorsque le plateau de dessert arrive. Pour bien comprendre une entreprise, les conseillers et les investisseurs gagneraient énormément à analyser le programme de rémunération incitative de celle-ci. Ce faisant, ils obtiendront des indices assez révélateurs sur les gestes que poseront les dirigeants à l’avenir, gestes qui pourront faire croître la valeur des actionnaires ou à l’inverse, la détruire.

Prenons par exemple Geico, la compagnie d’assurance automobile américaine détenue par Berkshire Hathaway : son système de rémunération est simple et transparent. Il a été conçu pour faire fructifier le patrimoine des actionnaires. Son programme de mesures incitatives ne comporte que deux variables exprimées de façon numérique sur un axe X-Y : croissance des polices d’assurance en vigueur et rentabilité des affaires établies. L’endroit où les deux se croisent représente et détermine le montant des mesures incitatives pour l’année. Cette structure simple encourage les employés à faire croître la rentabilité de l’entreprise à long terme.

Tout comme les bonnes mesures incitatives peuvent mener à une croissance de la valeur actionnariale, les mauvaises mesures incitatives peuvent faire dérailler les affaires et nuire aux réputations personnelles et professionnelles. Prenons le cas notoire de Valeant Pharmaceuticals, un exemple extrême de programme de rémunération pour cadre ayant mené à des conséquences imprévues.

Au début de 2008, J. Mike Pearson, ancien conseiller auprès de McKinsey, a été recruté par ValueAct, une petite société de placement qui était un actionnaire principal de Valeant, pour devenir son nouveau PDG. Le programme de rémunération de M. Pearson avait été conçu pour l’encourager à cibler une création de valeur à long terme en lui offrant des primes exponentielles advenant une appréciation exceptionnelle du cours boursier. Son salaire de base s’élevait à 1 million $ et il était tenu d’investir 5 millions $ issus de ses fonds personnels dans les actions de Valeant. Toutefois, en fonction du rendement, il était bien placé pour empocher une petite fortune en raison de l’effet multiplicateur du programme de rémunération incitative. ValueAct mesurait la performance uniquement en fonction du cours boursier de Valeant. M. Pearson a donc fait ce qu’on l’encourageait à faire : faire gonfler le cours boursier, ce à quoi il s’est voué avec empressement.

En 2015, Valeant Pharmaceuticals affichait une valeur boursière de près de 90 milliards $. De 2015 à 2017, son cours boursier s’est effondré par une marge supérieure à 90 %. Qu’est-il arrivé? Pour veiller à ce que le cours boursier continue de grimper, M. Pearson a multiplié les ententes, se portant ainsi acquéreur de plus de 100 entreprises, y compris Biovail du Canada. Il a essentiellement réduit à néant les placements dans la recherche et la mise au point de médicaments, sabrant les coûts à qui mieux mieux. Il a également augmenté sur une base continue le prix des médicaments. Ce faisant, il s’est attiré les foudres de feu Charlie Munger qui était alors président du conseil de la Good Samaritan Hospital à Los Angeles. Il a considéré les agissements de Valeant profondément immoraux. Bref, 2016 est arrivée et M. Pearson est parti. En 2018, Valeant a changé son nom à Bausch Health Companies. Certains investisseurs, notamment d’imposants fonds de couverture comme Pershing Capital, ont perdu des milliards de dollars.

Ainsi, bien comprendre les avantages et désavantages du programme de mesures incitatives d’une entreprise devrait figurer dans l’évaluation risque/rendement de tout conseiller avant de réaliser un placement. Voici quelques facteurs clés à considérer :

  • Le programme de primes de rendement est-il trop complexe?
  • Quel est l’équilibre entre les primes financières et non financières?
  • Quel est l’équilibre entre les liquidités et les capitaux propres?
  • Quelle est l’ampleur des primes de rendement?
  • Quel est l’horizon temporel des primes : court, moyen ou long terme?
  • Les primes sont-elles bien alignées avec les valeurs et les objectifs de la société?
  • Les primes sont-elles bien alignées au degré de maturité de l’entreprise (les entreprises en démarrage pourraient privilégier la croissance tandis que les entreprises bien établies pourraient viser l’optimisation et la rentabilité)?

Les dirigeants qui ne sont motivés que par les primes financières pourraient accuser des lacunes éthiques et prendre des raccourcis pour en arriver à leurs objectifs monétaires. Ce faisant, les réputations commerciales et personnelles pourtant durement acquises ainsi que la valeur actionnariale pourraient rapidement devenir des dommages collatéraux.

– Sharon Wang, PenderFund

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